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les Anglais — avec cet admirable instinct du faux et de l’absurde, qui lui fait rarement défaut aux plus mauvais jours de notre histoire !

Je compris qu’il n’était que temps d’émigrer, mon idée et moi… — Et, franchissant les Alpes, nous nous trouvâmes en pleine Italie du XIVe siècle !

Là !… partout la guerre civile, non pas intermittente, comme chez nous ; mais à l’état endémique. — Une tuerie de trois siècles ! de ville à ville, de rue à rue, de chambre à chambre ! — Des passions sauvages, primitives, bestiales ! Des fureurs de tigres, des perfidies raffinées et savourées avec une féroce ivresse ! — Mais parfois, au milieu de ces horreurs, quelque acte d’un héroïsme inouï : et pour faire oublier des crimes hors nature, des vertus plus qu’humaines ! — Partout enfin, à Pise, à Florence, à Bologne, partout l’amour, au début comme à l’apaisement de toutes les discordes. — Toujours et partout la Femme !… Je compris que j’étais arrivé !…

Mais de Florence, de Pise, de Bologne, etc., que choisir ? — J’optai pour Sienne… Car, dès mon premier pas dans cette admirable ville, je vis bien que mon action s’était passée là, et pas ailleurs ! — Cette ville montueuse, ces ruelles étroites, ces costarelles bordées de murs sinistres et commandées par ces tours que tout Siennois avait le droit d’élever après une action d’éclat, et qui se trouvèrent un jour si nombreuses qu’il fallut en raser les trois quarts !… tout cela