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ACTE QUATRIÈME.

lui-là qui tenterait d’arracher un Gibelin au supplice en serait puni par l’exil !…

TOUS.

Oui, s’il parle !… l’exil ! l’exil !…

ORSO.

Va pour l’exil !… et puisque c’est la rançon de ma parole, je continue. (Il en profite pour reprendre avec plus de force, montrant les captifs.) Oui ! Peuple, les voilà tes alliés… prêts à oublier leur défaite, si tu sais oublier ta victoire !… Sauve-les… tu es vainqueur et tu es libre !… Égorge-les… tu payes tribut et tu es esclave !… Choisis donc, de périr avec eux… ou de les sauver avec toi !… Et s’il en est un seul, parmi vous, qui préfère la joie de leur massacre à celle de notre délivrance… que celui-là se lève donc, pour me le dire en face ! (Se retournant brusquement vers le Tribunal, et franchissant les marches qui réunissent la tribune à l’estrade.) Toi, le premier, Tribunal du Peuple… je t’en défie : (Tout le Tribunal se lève exaspéré. — Stupeur.)

MALERBA, furieux.

Pas un mot de plus, insensé !… ou cette fois, ce n’est plus l’exil, c’est la mort !…

ORSO, debout sur l’estrade du tribunal, jetant son épée à terre.

Dresse donc ton échafaud !… et laisse-moi parler, tandis qu’on le dresse !… (Murmure d’admiration dans la foule, les gens prêts à l’arrêter, intimidés, s’arrêtent, et il reprend avec plus de force : ) Au nom de la Mère-Patrie et des Ancêtres !… peuple Siennois, je t’adjure de me donner ces captifs !… que je les mène au combat !… Du sang de tes soldats, je puis te faire une victoire !… Du sang de tes victimes, tu ne feras jamais qu’un forfait !…

VOIX NOMBREUSES, dans la foule.

C’est vrai !…

ORSO.

Donne-les moi !… Chaque mort que tu me cèdes… est un fils que je te rends !… Et ce que tes bourreaux y perdent… c’est la Patrie tout entière qui le gagne !…