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ACTE QUATRIÈME.

CORDELIA, jetant l’arme.

Ah ! malheureux !… Tu sais bien que je ne veux plus ta mort !

ORSO, avec passion.

Accepte donc toute ma vie !… et ne me force pas à maudire ta pitié, qui ne m’a sauvé d’une prompte agonie que pour me vouer à des remords éternels !… Ou tue-moi tout à fait… ou sauve-moi sans réserve !… mais rien à demi !… Et ne te glorifie pas d’une clémence qui ne m’apprend à quel point je suis coupable, que pour me refuser le seul moyen que j’aie de ne plus l’être !…

CORDELIA.

Et ne l’es-tu qu’envers moi, coupable ? — Et ta Patrie, Guelfe, qu’en as-tu fait ?… (Allant à la fenêtre.) Vois ces lueurs ! Écoute !… C’est ton armée qui se réveille ! — Oses-tu bien m’offrir ta main pleine de sang, quand les miens sont traqués par les rues !… Quand tu les proscris !… Quand tu les égorges !

ORSO.

Ah ! cette guerre impie, et qui m’a fait si coupable envers toi !… crois-tu donc que je ne l’exècre pas, autant et plus que toi-même ?…

CORDELIA.

Vaines paroles !

ORSO.

Je la maudis !… te dis-je !… Et je la pleure !… Car elle est ton œuvre et la mienne !…

CORDELIA.

Ne dis pas cela !…

ORSO, à la fenêtre.

C’est nous !… Toi de cette fenêtre !… Moi de cette place,… qui en avons donné l’affreux signal ?…

CORDELIA, avec douleur.

C’est vrai !…