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LA HAINE.

CORDELIA, retombant assise, avec un soupir de soulagement.

Enfin !…

MASTINO, déposant sa lampe sur la table.

Il faut dire aussi que cette nuit n’a pas été comme la précédente, où le bruit du combat le tenait sans cesse en éveil !… Et quand il a su de moi, ce matin, que son parti était décidément le plus fort, et que tout était fini dans la ville !…

CORDELIA.

Tout est fini, en effet,… et si bien fini pour nous. Mastino, qu’à l’heure où je vous parle, je ne sais même pas si mes frères ont survécu à leur désastre !

MASTINO, baissant instinctivement la voix.

Quoi, pas de leurs nouvelles ?

CORDELIA.

Et comment en aurais-je, dans ce palais dévasté par le feu, et que tout le monde croit abandonné ? — Tous nos serviteurs se sont enfuis le premier soir, chassés par l’incendie ; aucun n’a reparu, terrifiés qu’ils sont par notre défaite !… Nous sommes là, seules, Uberta et moi, dans cette maison vide. — Personne sur cette place, où le soleil ne va, tout à l’heure, éclairer que des ruines. Partout autour de nous, les murs éventrés, les maisons fumantes et les jardins silencieux ?… Si je n’avais la cloche là, de ce couvent, pour m’apprendre que les heures sonnent toujours, ce serait à me demander si je suis encore de ce monde !

MASTINO.

Sans cela, Madame, aurions-nous pu transporter ici ce malheureux,… à l’insu de tous,… même de votre nourrice ?…

CORDELIA, debout, vivement.

D’elle surtout !…

MASTINO.

Et pourquoi ne pas l’associer à cet acte de charité ?