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LA HAINE.

et vois d’abord s’il ne s’est pas réfugié dans cette église… où brille une lumière !…

UBERTA.

Oui !… et si tu le trouves… appelle-moi !…

CORDELIA, descendant à droite dans l’ombre.

Toi de même !… va !

UBERTA, sur le seuil de l’église.

Mais quand je te le disais… que le bras d’une mère était plus sûr que le tien !… (Elle pousse la porte brisée et disparaît dans l’église.)


Scène II.

CORDELIA, ORSO.
CORDELIA, seule, cherchant à droite, dans l’ombre.

Cordelia !… Pense bien que, lui vivant, c’est toi qui n’as plus le droit de vivre !… (Elle se penche sur un mort tombé contre le mur.) Cette cuirasse !… Non !… (Désespérée.) Et pourtant !… Il a crié !… Il est tombé Je l’entends encore !… Je le vois !… (Elle heurte du pied un cadavre à l’avant-scène.) Ah ! je te reconnais, toi !… pauvre diable !… Adieu !… Et toi !… Non !… (Se retournant et regardant deux cadavres enlacés.) Guelfe et Gibelin, les voilà dans les bras l’un de l’autre !… O mort !… quelle concorde est la tienne !… (Elle continue sa recherche.) Et jamais lui !… jamais !… Si !… celui-là… le visage dans l’ombre !… Ah ! peut-être !… Oui !… (Elle s’approche d’un corps étendu à l’avant-scène et que la lune éclaire à demi, se penche pour voir ses traits, et prête à écarter ses cheveux, retire sa main avec crainte.) Pourquoi ma main frémit-elle ?… Tu as peur, Cordelia ?… toi ?… Allons donc ! (Elle retourne brusquement la tête et la met de face, et l’on voit la figure d’Orso, pâle, les yeux fermés, en pleine clarté de la lune. Se relevant vivement.) C’est lui !… enfin !… Dieu juste !… Merci !… le voilà !… et mort ! (Se penchant pour le regarder de nouveau à distance