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LA HAINE.

UBERTA.

Si ! si ! mais après,… ce grand bruit de voix ?…

CORDELIA.

Ses hommes qui l’emportaient… mais le combat les a dispersés ; et ils ont abandonné son corps !…

UBERTA, vivement.

Où ?

CORDELIA.

Là !… sur la place !

UBERTA.

Viens le voir !

CORDELIA, vivement, reculant avec un mouvement d’horreur.

Ô Dieu ! non ! — À quoi bon ?…

UBERTA.

Ah ! je veux rassasier ma haine de cette vue ! — Tu as eu ta joie, toi !… il me faut la mienne !…

CORDELIA, tressaillant.

Tais-toi !

UBERTA, s’arrêtant.

Quoi ?

CORDELIA, montrant la porte

J’entends comme un gémissement !

UBERTA.

Non ! — c’est le vent dans les arbres, et l’eau qui coule sur la place ! (Elle remonte et disparaît un moment sur la place.)

CORDELIA, seule, après un silence.

Oui, c’est la brise du soir qui se lève calme !… O calme !… calme enchanteur de la nuit !… repos, fraîcheur, oubli !… Le bruit du combat s’éteint, tout au loin !… Il semble qu’un orage a fondu sur nous, qui maintenant se disperse ; et tout s’apaise, dans la nature… comme dans mon cœur ! — Triomphe à présent, ô mon honneur vengé… et respire à pleines gorgées l’ivresse du salut ! Debout mon âme, et renais à ta liberté reconquise !… Ô Cordelia ! — tu n’es plus à personne au monde, qu’à toi-même !