Quelle admirable scène que celle qui suit ! Timide, oui, sans doute Ismène l’est ; mais elle est tendre, elle aime sa sœur, elle s’échauffe à son héroïsme. Elle avoue. En vain Antigone, soit compassion pour cette sœur, soit mépris de la faiblesse qu’elle a montrée le matin, soit orgueil personnel, repousse cette solidarité de sacrifice et réclame le châtiment pour elle seule, qui, seule, a été coupable. Ismène, soulevée par la situation au-dessus d’elle-même, se cramponne à son dévouement : « Tu peux, dit-elle au roi.
Tu peux nous envoyer, Créon, où bon te semble.
Dans la vie ou la mort : mais laisse-nous ensemble. »
Mlle Bartet comprend-elle combien la scène ferait plus d’effet si, au lieu d’être en cet endroit Iphigénie, Alice, Atalide ou Bérénice, elle était ce que Sophocle a voulu qu’elle fût : Emilie ou Camille, tirant à elle, par la vertu d’une énergie supérieure et farouche, cette pauvre petite Ismène, si tendre, si douce, ce gentil bébé.
Le quatrième acte s’ouvre. Créon voit venir à lui son fils Hémon. Hémon doit épouser Antigone et il en est éperdument épris. Antigone l’aime-t-elle ? Nous n’en savons rien et tout me porte à croire que non. Elle n’en a pas encore dit un mot. C’est Ismène, la charmante Ismène, qui, plaidant la cause de sa sœur, a dit au roi :
Quoi ! l’enfant de ta sœur, fiancée à ton fils.
Il est vrai que, dans la traduction de M^I. Vacquerie et Meurice, à la dure réponse de Créon :
Mes fils ne sont point faits pour des filles sans âme.
Antigone réplique :
L’entends-tu, cher Hémon, qui me nommait ta femme ?