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QUARANTE ANS DE THÉATRE.

C’est que ce public-là ne vient que pour son plaisir et n’en prend à rien.

L’autre jour, je me plaignais qu’au dernier mardi, Delaunay jouât dans deux pièces. Devinez ce qu’on m’a répondu :

— Eh ! mais le public des mardis ne souffrirait pas, quand on lui donne une pièce, qu’elle ne fût pas jouée parles meilleurs comédiens, par les chefs d’emploi.

Ainsi ce public ne connaît pas, n’apprécie pas cette joie délicate et charmante, cette joie qui était celle des vieux abonnés d’autrefois, de voir un jeune homme, de l’encourager, de le former. Non, il lui faut du plaisir tout fait et de la meilleure marque, de la marque à la mode.

Quand c’est du Mozart.
Pour que je jouisse.
gens du grand ait.
Que l’on m’avertisse.

Le nom de Delaunay le rassure ! Delaunay, c’est du Rœderer, et sur la foi du bouchon, ils boivent en pensant à n’importe quoi !

Et voilà comment ils ont sifflé les Corbeaux de Becque.

Ma correspondante me prend à partie sur l’indignation que j’ai témoignée.

— Eh mais ! s’écrie-t-elle, n’avez-vous pas vous-même trouvé dans cette pièce beaucoup de choses mauvaise ? Pourquoi vous gendarmer que nous vous donnions raison ?

— Eh oui ! j’ai fait bien des restrictions. Et j’eus volontiers excusé un public ordinaire d’être plus frappé de certains défauts voyants que des grandes qualités de l’œuvre.

Mais ce publie des mardis, c’est (par hypothèse) le public intelligent, le public lettré, le public de bonne compagnie ;