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la jeune fille.

quelques bribes d’idées générales, elles les resservent avec un aplomb imperturbable. Elles ont, d’ailleurs, un bagou stupéfiant, souvent de l’esprit, toujours l’argot à la bouche, point de timidité, à peine le sentiment des distances, et une pauvreté de pensée personnelle, d’originalité vraie qui, parfois, me confond.

Elles se ressemblent toutes. Et je me l’explique assez bien, cousine ; alors que notre curiosité était purement imaginative, et trouvait son aliment en nous, alors que les tableaux, les descriptions, nos héros mêmes, se précisaient dans nos songes à force de réflexions intérieures, celle des jeunes filles modernes est toute visuelle. L’œil est frappé d’abord, le cerveau ensuite. Elles veulent voir et, ayant vu, leurs sens sont pleinement satisfaits.

Elles entrent en tourbillon dans nos chefs-d’œuvre, dans notre littérature, — copieusement illustrée, — à la manière de ces Anglaises qui enjambent les salles de notre Musée du Louvre et croient le connaître. Leur esprit discerne le net contour des choses et les aperçoit sous leur forme véridique, puis passe en grande célérité à un autre genre d’exercice, c’est-à-dire à un nouveau bouquin, à une autre revue, car le temps presse, la partie de tennis attend. Rarement, elles pénètrent la pensée d’un auteur…