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vacances d’hier.

la petite Fadette, Mlle de la Seiglière, Dulcinée de Toboso, le marquis de Villemer, Nausicaa, Ursule Mirouet, la princesse de Clèves, le Roi des Montagnes, et cette assommante Corinne, et cette délicieuse Colomba, et combien d’autres encore ! étaient les héros avec lesquels notre pensée communiait tout le jour.

Nos cœurs, sans cesse ramenés aux soucis du ménage, demeuraient simples, nos besognes étant précises, familières, utiles ; mais nos petites cervelles débordaient de poésie. Nous aimions nos héros et les lieux qu’ils habitaient, et les temps dans lesquels ils vivaient. Et ce que notre âme candide rêvait de beauté, nous rajoutions encore à nos textes favoris… N’ayant aucun point de comparaison, les régions, quelles qu’elles fussent, étaient, pour nous, sans contours ; c’est pourquoi nous concevions aisément des paysages paradisiaques, des êtres parfaits, et des aventures chimériques. Celles de Don Quichotte, et même l’Enfer du Dante, ne nous étonnaient pas. Ils se confondaient, pour nous, avec des réalités confuses.

Par la magie d’un Mérimée, nous vivions réellement avec Colomba et frissonnions de terreur dans les maquis sinistres et embroussaillés de la Corse. Et je doute que jamais une enfant de nos jours, saturée de cartes postales, de pho-