Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
la jeune fille.

s’agite en des mains fébriles, les yeux s’emplissent de larmes ; on devine une vie manquée, pleine de tristesse, semée de malentendus. C’est un petit drame qui passe ! Et j’ai envie de crier, à ces pauvres déclassées :

— Non, vous n’avez pas reçu une éducation au-dessus de la moyenne, car tout le monde, aujourd’hui, est pourvu de ce brevet ! Non, on ne gagne pas sa vie à écrire des vers ou de la prose, à moins d’être née dans le monde des lettres, d’y avoir de puissantes relations et du talent par-dessus le marché. La vérité, la vraie, est chez vous, dans ces besognes que vous méprisez et que l’intelligence peut rendre séduisantes, ou alors dans une carrière crânement avouée.

Les travaux honteux, si j’ose m’exprimer ainsi, n’existent pour ainsi dire pas, et c’est malheureusement la tarentule qui pique toute la horde des brevetées supérieures sans emploi : écrire, traduire, faire des poésies. Peut-être faut-il chercher dans ce travers la raison pour laquelle tant d’hommes hésitent avant de s’aventurer dans la voie du mariage. Une femme capable de bien tenir une maison, d’élever courageusement des enfants, et, pour tout dire, de mettre la main à la pâte, ferait souvent bien mieux leur affaire qu’une poétesse ratée ou qu’une romancière en mal d’éditeur.