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la jeune fille.

dent creuse. La dent et la langue, en se rencontrant, se choquaient en un claquement crispant ; ce jeu dura encore une éternité, puis, comme la jeune personne cessa d’y trouver du plaisir, elle se leva et se planta debout devant la portière centrale. Nous eûmes, dans la demi-obscurité qu’elle nous infligea, l’énorme soulagement de n’avoir plus que son dos à contempler. Cela nous conduisit jusqu’à Grenoble, où je descendis, la tête en feu, les nerfs retournés.

Et je me disais :

— Voilà une jeune fille qui n’a prononcé qu’une vingtaine de paroles, et cependant, par son attitude, je sais, à n’en point douter, qu’elle est frivole, vaine, égoïste, coquette. Elle n’a pas eu une attention pour sa mère, pas un égard pour sa voisine et, malgré la distinction de ses vêtements, la recherche élégante de sa mise, chacun de ses mouvements a trahi la sécheresse de sa petite âme de poupée, la pauvreté de son imagination, et le détraquement de sa cervelle.

Puisque le maintien est si éloquent, pourquoi les mères ne veillent-elles pas davantage à celui de leurs filles ? Voilà, cousine, ce que je me suis demandé en voyageant de Lyon à Grenoble.