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la vertu d’un peuple.

qu’ils révèrent et chérissent : et la tradition dans les familles en est si ancrée, qu’un pasteur contait, l’autre jour, devant moi, ce trait saisissant :

Un grand-père, sur le point de mourir et sentant sa mort prochaine, dit à son petit-fils, qui pleurait au pied de son lit :

— Et surtout, petit, après que Dieu m’aura rappelé à lui, ne manque point la fête. Mon père y chanta, j’y chantai, ton père de même ; il faut que tu chantes, petit. De là-haut, je t’entendrai.

Hier, grâce à l’obligeance des deux auteurs (MM. René Morax et Gustave Doret), j’eus la bonne fortune d’enfreindre les sévérités de la règle et d’assister à une répétition partielle.

Il s’agissait de mettre en scène le « clou » de la pièce : les Vendanges. De braves vignerons, au teint basané, aux mains calleuses, avaient fait deux heures de chemin pour n’y point manquer, et comptaient s’offrir pareille course pour retrouver leurs coteaux après le travail. Un air de joie était répandu sur leurs visages. Ils tenaient par le petit doigt — signe d’amitié — des Vaudoises accortes, la taille serrée dans leur corselet de velours noir, leur jupe courte laissant deviner un mollet rond bien moulé dans le bas blanc. Il y avait, parmi cette jeunesse, des frères et sœurs, et aussi des accordés, qui se regardaient d’un air chaste et tendre.