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l’enfant.

et, parce qu’on la leur interdit comme un péché, on fausse leur compréhension de la vie, on étouffe leur grâce naturelle, on éteint la lueur éclatante de leurs yeux, on étiole la fraîcheur de leur sourire.

Je me souviens d’une vieille Allemande, qui m’entonnait, avec un sérieux imperturbable, les déclinaisons de sa langue et les prépositions qui demandent l’accusatif ou le datif. De temps à autre, j’essayais d’égayer la leçon de quelques réflexions innocentes qui me faisaient rire, quoiqu’elles ne déridassent pas mon cerbère.

Sévèrement, ma vieille Fraulein me rappelait au souci des convenances, et, avec un fort accent, elle laissait tomber sur moi cette glaciale remarque :

— Quand on joue (elle prononçait choue) quand on choue, on choue ; quand on trafaille, on trafaille.

Eh bien ! cette pauvre Fraulein, n’en déplaise à sa mémoire, commettait une hérésie, un crime de lèse-jeunesse ; elle énonçait là une ânerie plus grosse qu’elle, car, non seulement on peut être gai dans l’étude, mais c’est même la condition essentielle d’un bon travail.

Il est indispensable d’aimer ce que l’on fait et, par conséquent, d’apporter à l’ouvrage toutes ses facultés d’attention, de volonté et de joie.