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la lecture des enfants.

amie de prédilection, la pauvre Christine, livrée par sa maman aux soins de l’horrible Mina.

Rien ne me paraissait plus propre à toucher, à émouvoir, à réjouir, que ces œuvres délicieusement niaises… La mère Mac’Miche, le général Dourakine, Torchonnet, — le souffre-douleur Torchonnet ! — François le Bossu, le pauvre Blaise, et cette orgueilleuse Mme Papowski, qui battait ses enfants comme plâtre, — et, par une juste revanche de la Providence, un jour, fut knoutée à son tour, — sont autant d’images qui ne peuvent s’effacer de l’imagination. Elles y sont entrées à cet âge où les impressions ont la vivacité et la fraîcheur des choses éternelles… Plus tard, la mémoire, alors que ses cases sont brouillées ou trop pleines, rejette sans pitié le souvenir de certains livres mal assimilés… Mais elle garde la vision heureuse d’une figure entrevue dans l’enfance, d’un objet touché par des menottes ignorantes, d’un conte lu avec des yeux naïfs.

Mme de Ségur, grâce à son extrême simplicité, à son naturel, à la vérité de ses caractères, est l’écrivain idéal des petits enfants. Elle parle tout juste le langage qui leur convient, et dans les termes susceptibles de les toucher. La séduction qu’elle exerce sur les jeunes esprits est telle qu’elle agit aujourd’hui comme il y a cin-