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l’éducation des enfants.

Je me souviens toujours, avec horreur, d’une certaine petite fille qui passait pour un bijou de grâce. Elle entrait dans le salon de sa mère avec un aplomb que lui donnaient la science de ses devoirs mondains et la satisfaction de sa petite personne. Elle commençait sa tournée de révérences par la dame âgée, terminait par des saluts familiers aux jeunes filles, s’informait de la santé de chacun, priait qu’on ne l’oubliât pas auprès de ses petites amies : Georgette, Madeleine ou Suzanne, répondait, avec une aisance pleine d’à-propos, à toutes les questions qu’on daignait lui poser et prenait congé sans embarras, savourant d’avance l’effet de sa sortie… Et, d’ailleurs, ce n’était qu’un cri, qu’une exclamation :

— Quel amour d’enfant ! si intelligente ! si bien élevée ! Déjà femme du monde, à douze ans !

Et l’amour d’enfant, à peine rentrée dans ses appartements, confiait à sa compagne de jeux, la petite Lilie, ébaubie de telles révélations, qu’elle avait cru mourir de rire en voyant la poire de la dame aux cheveux blancs ; que Mme L… était ficelée comme quatre sous et possédait une voix de perroquet ; elle traita une des fidèles de sa mère, en manière de gentillesse, de dromadaire et une autre de grenouille de