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la chance.

Un jour, ayant épuisé ses dernières ressources, ayant connu l’affreuse misère de l’aumône, elle dit :

— Je partirai en Angleterre, en Allemagne, aux colonies, n’importe où ; je ne veux plus être à la charge de personne.

Nous lui trouvâmes, après mille difficultés, une place au pair chez un pasteur anglais. Il s’agissait de faire le ménage, d’habiller, de laver, d’instruire cinq marmots ; il fallait être bonne d’enfants le matin, institutrice l’après-midi, femme de chambre le soir.

— Bah ! dit-elle, j’adore les petits ; pourvu qu’ils m’aiment, cela ira.

Elle partit dans son wagon de troisième, le sourire aux lèvres ; ses seize ans étaient braves. Et, tout de suite, elle se montra étonnante de bonne humeur, dans ses modestes attributions, s’offrant même à faire la cuisine, un jour que l’unique servante tomba malade. Le pasteur, — un brave homme, — après l’avoir gardée six mois, lui tint ce discours :

— Maintenant, chère enfant, je vous ai appris l’anglais ; vous me rendez trop de services pour que je veuille vous garder sans gages, et je ne saurais vous les donner parce que je suis trop pauvre : mais je puis vous placer dans une maison digne de vos talents.