Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
la femme.

leur racontant qu’ils ont été volés par des satyres… En dehors de cette monomanie, c’est une très bonne femme, qui ne ferait pas de mal à une mouche, et qui raisonne assez justement sur toutes choses. On l’aime beaucoup, ici.

Je n’avais jamais vu de folles cataloguées, cousine, et je me les imaginais tout autrement. Je croyais que les malheureuses, enfermées dans ces asiles, ne quittaient une incohérence que pour en reprendre une autre. Ce qui m’a frappée le plus étrangement, et je dirai le plus douloureusement, c’est, au contraire, cet air de raison sous lequel se cache une folie unique, ce bon sens apparent, que vient gâter une idée immuable, et ce dérèglement partiel de la machine qui continue sagement à battre et, tout d’un coup, se déclanche. Et, si cette opposition semble impressionnante, c’est que, justement, nous la retrouvons chez nombre des gens qui nous entourent, qui vivent sous les aspects de la sagesse et du bon sens, et que nous entourons de considération.

« L’imagination sans le jugement est le premier degré de la folie », a dit je ne sais quel philosophe. En sortant de chez les fous, on n’a plus qu’une pensée : raffermir ce jugement sauveur qui vous garde des méfaits de l’imagination, celle-là même qu’on surnomme la « folle du logis ».