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où mène l’imagination.

il s’est fait un trou noir, profond, fatal ; tous les jours, pendant une heure, elle s’astreint à lire le Bottin, ainsi que les longues listes d’étrangers qu’on veut bien mettre entre ses mains, espérant voir luire ce nom passionnément souhaité, ce nom qui lui rendrait un père, une famille, et la villa remplie de lumière et de bonheur dans laquelle elle sait avoir vécu. Et rien, toujours rien. Les ténèbres du souvenir sont lourdes !…

— Oh ! ne pas savoir ! gémit-elle.

Et les larmes montent aux yeux, devant ce drame poignant de la pensée.

— Ignore-t-on vraiment son nom ? demandais-je tout bas au docteur.

— Oui, répondit-il ; et cela est d’autant plus cruel que cette jeune fille doit être de bonne famille et bien élevée. Un soir, des sergents de ville l’ont trouvée échouée sur un banc, pleurant déjà son nom, et ce cas d’amnésie étrange l’a mise dans nos murs, sans que jamais nous ayons pu découvrir trace de ses parents. Elle est là, obsédée par la recherche de ce nom, qui lui reviendra peut-être un jour, d’une manière fulgurante.

Je vis, ensuite, une mélancolique d’un autre genre. Celle-là s’était couchée, quoiqu’elle ne fût pas malade et grillât du désir d’aller au bal. À peine fûmes-nous dans les parages de son