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la femme.

pudiquement leurs yeux, quand, en passant, on les complimentait sur l’élégance de leurs ajustements.

— Où sont les vraies folles ? demandai-je au docteur Briant, qui, très aimablement, me faisait les honneurs de rétablissement.

Car j’avais peine à croire que j’eusse devant les yeux des malades.

— Celles-ci le sont, fit-il ; elles sont affligées chacune d’une manie, d’une idée fixe qui les torture ; mais leur turlutaine ne les empêche nullement d’être intelligentes et faciles à vivre.

Je vis une négresse, aux dents éblouissantes, au sourire triste et doux, atteinte de la folie de la persécution. Elle s’imagine que des ennemis, attachés à ses pas, cherchent à l’empoisonner, et cela gâte jusqu’aux souvenirs radieux qu’elle a rapportés de son pays. Je vis aussi une jeune fille très blonde, aux yeux douloureux et lassés.

— Je cherche mon nom depuis si longtemps…, me confia-t-elle avec un accent d’une détresse infinie.

La pauvre enfant se souvient avoir habité au bord de la Méditerranée, dans une maison égayée de fleurs, servie par de nombreux domestiques, et puis avoir fait un voyage long, très long ; après quoi, elle ne sait plus. Dans sa mémoire,