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où mène l’imagination.

chez de pauvres créatures par sa perte, elles se hâteraient de la mettre d’accord avec leur conscience ; elles chasseraient les papillons de la mélancolie, premiers et frappants symptômes du mal ; elles renverraient au rancart les marottes, les idées fixes qui sèment des douleurs imaginaires, et, se souvenant du mot de Montaigne, qui disait que la « raison est un pot à deux anses qu’on peut saisir à gauche ou à dextre », elles se dépêcheraient de l’attraper à pleine main et à dextre, trouvant encore, par-dessus le marché, qu’il fait bon vivre en joie et en santé.

Ces dames les folles, lorsque je fus leur rendre mes politesses, étaient en grand remue-ménage ; elles donnaient le dernier coup de fion à leurs toilettes et prenaient de leur beauté un zèle extrême. Songez, ma chère, il y avait bal, le soir !

Toutes les « sages », même les vieilles, avaient obtenu du directeur — M. Edgar Monteil — et de leur médecin la permission de se costumer en dames du monde, de se décolleter et même de planter des fleurs dans leurs cheveux. Les toilettes un peu criardes qu’elles arboraient, d’une mode comiquement surannée, semblaient les ravir d’aise. Elles se regardaient avec complaisance dans de petites glaces de poche et rougissaient de satisfaction, et baissaient