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les lectures « convenables ».

Elles demeurent enfiévrées, molles et lâches, après avoir tourné la dernière page et s’arrachent avec peine et pâmées des régions où l’auteur les avait conduites. Les réalités de la vie leur apparaissent, ensuite, plus plates et grossières ; et si, d’aventure, leur mari vient à passer, elles le trouvent vulgaire et sont prêtes à le haïr ; et si Bébé interrompt le cours de leurs rêveries d’une apostrophe joyeuse ou tendre le pauvre petit reçoit une rebuffade qui le fait rentrer dans le devoir et lui apprend que maman est de méchante humeur lorsqu’elle a lu de jolies histoires.

Peut-on dire, cependant, que les romans de d’Annunzio soient absolument inconvenants, et qu’il en faille défendre la lecture à toutes les femmes ? — Ce serait grand dommage. Ils s’adaptent mal, ou, plutôt, trop bien, aux tempéraments romanesques, voilà tout.

Je serais plus disposée à partager les romans en deux séries : ici, les livres sains ; là, les malsains ; et peut-être, sur la haute pile de ces derniers, glisserais-je beaucoup de livres « convenables », car malsain, dans ma pensée, veut dire bonnement qui ne va pas à la santé de votre imagination et n’est pas profitable au progrès de votre esprit.

Il est de ces bouquins qui sont nuisibles à