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la femme.

un grand philosophe, il se relève les mains vides.

— Ma mère, dit-il, vous avez laissé tomber votre mouchoir, un mouchoir à vous, et c’est votre volonté qui a fait cela ; vous dévez seule ramasser le mouchoir, tombé à terre par votre faute, et ne dois pas, ma mère, ne dois pas vous rendre ce service. — Cela, conclut Matilde Serao, c’est la vraie philosophie de Nietzsche.

Et cette découverte fait étinceler de plaisir ses trente-deux petites dents blanches.

Le pessimisme de Stendhal aussi la met en joie.

— Si les jolies dames françaises ne s’étaient pas montrées pour lui si méchantes, si crouelles, Stendhal n’aurait pas eu l’esprit si noir, mon cher monsieur Brisson, croyez-le (et son œil s’emplit de malice en prononçant cette boutade).

Il est impossible de dépenser, dans une causerie à bâtons rompus, plus de fantaisie, plus de verve, plus de talent, d’esprit et d’émotion que ne le fait l’admirable auteur du Pays de Cocagne, de Adieu, Amour (Addio, Amore) et de Après le Pardon. Matilde Serao déborde de sève, elle déverse autour d’elle son trop-plein de vie ; là où elle se trouve, la glace fond, le cœur bat plus vite, les nuages font place au