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faisons de notre vie un rêve.

distinguer. Son corps rond, telle une boule, n’eût assurément pas arrêté le regard d’un sculpteur ; mais ses yeux noirs lançaient des flammes et des sourires ; sa bouche charnue prononçait des paroles ardentes et s’ouvrait sur trente-deux petites dents enfantines qui jetaient des clartés spirituelles ; ses mains grasses et trapues se démenaient dans une mimique passionnée. Cette Italienne de rêve respirait la vie par tous les pores ; tout, en elle, était solidité et lumière. Matilde Serao, à n’en point douter, appartenait à cette race privilégiée des « créateurs » qui se renouvellent en donnant constamment leur substance, et répandent autour d’eux la chaleur et la joie. Ils inventent l’air, l’atmosphère, le soleil, et, perdus sur le radeau de la Méduse, trouveraient encore des raisons d’aimer et de faire aimer l’existence.

Certes ! la poésie qui émane de l’œuvre de cette étonnante romancière n’appelle point le rêve, mais bien la Vie, la Vie intense, colorée, ensoleillée, grouillante, bruyante, palpitante, telle qu’on doit la vivre sur cette terre d’Italie, qui gronde et crépite sous un ciel radieux. Et c’est toute l’âme napolitaine qui passe par les yeux, le sourire, la voix et les gestes de cette ardente créature.