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l’esprit de tolérance.

Parfois, leur humeur grincheuse se complaît à découvrir mille imperfections chez leurs semblables, à les commenter aigrement. Et la préoccupation qu’elles ont de régenter l’univers et d’exercer leur critique à propos de tout et de rien les empêche de jeter un œil sur leurs propres défauts, Parfois, leur vertu réelle revêt un caractère si austère, si désobligeant, si pincé, qu’elle semble beaucoup plus un reproche qu’un exemple ; — ne vous y trompez pas, cousine : les gens aimablement tolérants gardent pour eux-mêmes une certaine sévérité et répandent au dehors des trésors d’indulgence, car ils savent que chacun est responsable de ses actes, et qu’il est plus profitable de donner en exemple la vie qu’on essaye de remplir utilement, que de jeter des hauts cris sur la manière dont en use le voisin.

Je crois, ma cousine, que, si l’ « esprit de tolérance » soufflait un peu plus fort dans les ménages, il y aurait moins de ces divorces qui reposent uniquement sur l’incompatibilité d’humeur, — deux mots qui m’écorchent les oreilles et n’ont, de fait, aucun sens, puisque les humeurs les plus récalcitrantes deviendraient compatibles, si, loyalement, de part et d’autre, au lieu d’irriter le moindre dissentiment par le poison des paroles blessantes, on essayait de conciliation.