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l’art de tenir un salon.

Je lui conseillai de se contenter, pour ses débuts, d’un petit cercle que le temps et son amabilité élargiraient aisément : à la seule idée d’attendre, ma baronne poussa des cris de paon. Elle voulait un salon, tout de suite, elle l’aurait — ou elle repartirait pour le pôle.

Elle inonda donc les cinq Académies de petits cartons, à formules tentatrices ; mais les : « On causera » ne réussirent point à faire sortir les habits verts de leurs tanières.

Par compensation, les poètes chevelus, en quête d’un dîner, les femmes de lettres ratées, les rastaquouères de toutes nuances, s’étouffèrent dans ses salons, et ce fut chez elle un tohu-bohu dont ses véritables amis furent en droit de s’affliger.

Victor Hugo affirmait que le génie est une longue patience. Je dirais presque — si j’osais risquer cette métaphore — qu’un salon est, comme le génie, une œuvre de très longue haleine. Il faut la préparer, la soigner, la mûrir avec un soin jaloux. La fortune n’est aucunement indispensable : je connais telle maison de millionnaire où l’on croit périr d’ennui, tandis qu’on se presse, avec plaisir, dans tel autre salon modeste, perché au cinquième.

Je souhaiterais que les femmes fissent effort pour rendre moins banales les manifestations de la