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la jeune fille.

du jour, si on n’égayait point de sa conversation chaque repas. Elle appelait cela : « Payer de sa personne, » ou bien, encore : « Faire les frais de son cœur. » Et c’était, pour cette femme charmante, le commencement et la fin de toute sagesse, et à peu près les seuls principes sur lesquels elle basait l’éducation. Et cela peut vous paraître puéril, cousine, au premier aspect ; mais, si vous réfléchissez un instant, vous comprendrez que cette philosophie simpliste n’était cependant point vaine.

Elle apprenait à tirer son plaisir de soi et non à l’attendre des autres ; elle forçait à répandre la chaleur de son âme, à projeter au dehors — et quelque peine que l’on en éprouvât — le meilleur de son esprit, à faire de la vie et à « donner », en un mot, qu’à recevoir ; et c’est là un des secrets les plus sûrs du bonheur, et le meilleur remède contre l’Ennui.

Remarquez bien les gens atteints de l’affreuse maladie de l’Ennui. Ils sont tous reconnaissables à ce signe particulier : qu’ils ne payent jamais de leur personne ; ils attendent qu’on les amuse et qu’on les aime, qu’on s’occupe d’eux éternellement ; ils sont des foyers éteints d’où l’étincelle ne peut jaillir.

— On peut rêver quelque chose de plus ter-