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le silence.

les réflexions qui s’échappent de leurs lèvres sont recueillies avec admiration par d’illustres académiciens, en quête de bons mots ; leur précocité et leur génie éclatent à chaque pas. En omnibus, ils révolutionnent leurs voisins ; aux Champs-Élysées, les passants s’arrêtent ; au cours, les professeurs déclarent mourir de surprise… Et, tandis que la dame inexorable poursuit son récit, d’un verbe toujours plus strident, vous songez que vous les avez vus, ces chers trésors, battant comme plâtre leur Fraulein, alors que, roulés par terre au coin d’une rue, ils y faisaient scandale.

Apprend-elle qu’une des personnes présentes se livre à quelque travail d’esprit… cela est justement son cas. Mais le sien est d’une qualité tout à fait exceptionnelle. Ce qu’elle accomplit comme en se jouant ferait éclater dix cervelles ordinaires. Elle stupéfie les gens de métier, transporte d’aise le public, et ses dons naturels, combinés avec ses mérites, lui ont valu des félicitations telles qu’elle rougirait de les répéter. Ce qui, d’ailleurs, ne l’empêche pas de les énumérer comme une claquette durant trente-cinq minutes d’horloge. La dame inexorable — terreur des salons — n’a jamais connu les grâces délicates du silence. C’est une sotte, et cela prouve combien toujours vraie est la réflexion de La