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la femme.

l’usage l’a fortifiée. Elle perce votre tympan, brouille votre entendement, et vous assomme. Les mots s’enchaînent aux mots ; les phrases chevauchent sur les phrases sans points, sans virgules, sans pitié. Vous n’avez le temps ni d’ouïr ni de respirer ; elle ne respire pas davantage ; elle va, elle va, elle parle comme on moud du café, comme la roue du moulin tourne, comme la pluie tombe.

Que dit cette voix ? Vous n’écoutez pas, vous ne pouvez pas écouter ; elle ressemble au bourdonnement de la mouche, à la crécelle qu’une main coupable fait mouvoir, à quelque sonnerie déclanchée.

La dame inexorable a cette marque particulière qu’elle parle toujours d’elle, n’ayant jamais eu le temps d’écouter quoi que ce soit ayant un rapport indirect avec sa personne.

Elle a, sur toutes choses, une histoire personnelle, d’un intérêt tel que jamais semblable n’a pu advenir au monde. Êtes-vous un peu souffrante… Elle l’a été, mais dans des conditions autrement dramatiques que les vôtres, notoirement plus curieuses, et qui méritent de longs développements.

Possédez-vous des enfants… Les siens sont, en comparaison des vôtres, des prodiges ; ils ont su lire dans les bras de leurs nourrices ;