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le silence.

Les silences intelligents, au contraire, ont des oreilles, des yeux, un sourire, et souvent une âme. Ils donnent, à ceux qui parlent, la sécurité d’être entendus ; ils laissent deviner ce qu’ils taisent ; ils ajoutent leur esprit aux mots qui s’échappent ; ce sont d’exquis silences. On leur découvre d’autant plus de saveur qu’on les sait volontaires et tout prêts à se rompre. Ils mettent, dans la conversation, je ne sais quelle délicatesse raffinée, et comme un parfum de galanterie. Ils ont l’air de dire :

— À vous le premier feu ! Je prends mon plaisir à vous écouter. Je répondrai tout à l’heure, rien ne presse, et seulement pour renouveler votre verve et alimenter votre foyer.

Musset parlait avec mépris de ces gens qui n’ont

Ni le don de parler ni l’esprit de se taire.

C’est, sans doute, qu’il avait observé combien parlent avec aisance ceux qui se taisent à propos.

Avez-vous jamais rien connu de plus insupportable que la dame qui, inexorablement, parle ? Elle arrive dans votre salon, et vous n’avez pas encore serré sa main que, déjà, les paroles s’échappent par flots. La voix qui les laisse exhaler est généralement métallique, solide ;