Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
la jeune fille.

Est-ce de sa faute ? Pas tout à fait… On ne l’a pas élevée dans l’amour de la vie, on ne lui a pas délivré les secrets ; et, comme les distractions factices dont on lui a donné le goût ne suffisent pas à remplir une existence, elle s’ennuie éperdument, et s’ennuie d’autant plus qu’un instinct mystérieux l’avertit qu’elle fait fausse route.

Jamais il ne devrait être permis à un être pourvu de quelque sens commun de prononcer ce blasphème : « Je m’ennuie », car seules s’ennuient les désœuvrées qui n’ont pas de but et ne savent mettre dans leur vie ni l’amitié, ni le dévouement, ni la chaleur, ni le travail, qui l’animent et lui donnent un sens.

L’admirable femme qui m’éleva, et dont je vénère pieusement la mémoire, avait coutume de répéter ce conseil qui renferme tout un programme :

— Paye de ta personne.

Quand la timidité de l’enfance paralysait les faibles moyens dont la nature m’avait pourvue, elle disait :

— Une petite fille qui a du cœur n’est pas timide ; elle songe d’abord au plaisir des autres, et cela lui donne le courage d’être aimable, de causer, de « payer de sa personne ».

Combien de fois l’ai-je entendu, ce bout de phrase qui, encore aujourd’hui, tinte par le sou-