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la femme.

Il semblait, en effet, qu’elle apportât, dans les plis de sa robe, quelques rayons de soleil ; elle avait le génie d’animer les salons moroses, d’égayer les gens acariâtres, de secouer la torpeur des mondains indifférents, de provoquer la confiance et l’amitié. Elle répandait la vie là où elle passait, et sa bonne humeur proverbiale était d’autant plus vive qu’elle en trouvait emploi plus utile. Musicienne, adroite comme une fée à tous les travaux de l’aiguille et du ménage, monopolisant les recettes de toutes sortes, parlant l’anglais et l’allemand, lisant les vers et la prose avec talent, chantant, presque sans voix, mais le plus agréablement du monde, elle était l’amie indispensable sans laquelle il n’est point de fête. Elle avait le privilège rare de comprendre et d’adorer la vie ; et, même lorsqu’elle cirait ses chaussures, ou frottait sa petite chambre de jeune fille, elle déclarait qu’elle s’amusait, et le plus étonnant était qu’elle ne mentait point. Quoiqu’on la sût sans dot, — ou à peu près, — chacun était persuadé que Suzanne, à cause de ses mérites rayonnants, trouverait à se marier selon son cœur.

On ne se trompait pas.

Suzanne fit la connaissance d’un beau garçon, jeune, intrépide, instruit, sorti un des premiers de l’École Centrale, musicien excellent, ayant,