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la jeune fille.

passions, l’orage gronde ou le ciel s’apaise, des enfants entr’ouvrent au soleil leur petite âme émerveillée, et ces maladroites s’ennuient !

N’est-ce point miraculeux ?

Alors qu’on voudrait pouvoir vivre quatre vies à la fois, pour les emplir toutes et les trouver trop courtes encore ; alors que chaque jour s’écoule, laissant le regret de n’avoir point lu le livre qu’on aime, de n’avoir pas serré dans ses bras les amis qui vous sont chers, de n’avoir pas vu le tableau, l’exposition, le pays, la merveille, enfin, qui hante votre imagination et dont vous voudriez rassasier votre cœur ardent, des créatures, saines d’esprit et de corps, s’ennuient !

Elles circulent au travers de l’émouvante, dramatique et joyeuse comédie humaine sans y rien comprendre, pareilles à ces voyageurs qui demeurent solitaires en tous pays, n’arrivant à saisir ni son idiome, ni sa gaieté, ni ses tristesses. On enseigne tant de choses vaines aux jeunes filles, et on ne leur apprend pas à adorer ce pourquoi elles sont faites : la vie ! — la vie dans toutes ses manifestations de joie et de douleurs, de rires et de larmes, de travail et de plaisir. On les guinde dans des attitudes, on les paralyse dans un moule de bienséance, on les emprisonne dans de stériles conventions, on leur applique des œillères solides tout au tour de