Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
le sens de la vie.

lâchent ce salon, où l’on cause… trop. Il surgit d’autres amis, intimes également ; et puis, — ô mystère inexplicable — ils se défilent discrètement, et la bonne grosse Henriette se désole. Elle voudrait tant qu’on l’aimât toujours, comme elle aime son mari, ses enfants, son chien, ses sauces, sa maison, ses rangements, ses idées, ses projets, ses opinions, ses bourdes, et sa dernière lubie.

La bonne grosse Henriette — encore que son cas ne soit pas pendable — ignore le sens de la vie, sans quoi elle s’aviserait qu’on n’attache point ses amis par les récits qu’on leur impose, mais par l’intérêt qu’on prend à ceux qu’ils vous font.

Je pourrais encore vous parler d’Adrienne, de Marthe, d’Amélie, trois victimes de la vie, trois aveugles, trois égoïstes, trois ignorantes. J’aime mieux esquisser pour finir le portrait charmant d’une femme heureuse.

Au fait, est-ce bien nécessaire ?

La femme heureuse n’a point d’histoire. Elle donne généreusement tout son cœur, sans réticence, sans calcul, et se mêlant hardiment à la lutte ; elle pense surtout à assurer le bonheur de ceux qu’elle aime. Elle ne dit point, avec Pascal, que « la vie est le rêve d’une ombre », parce qu’elle est toute action, tout élan, et toute