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la femme.

prendre une détermination, décider ceci plutôt que cela, choisir la nuance d’une robe, le jour d’une réception, la date d’un voyage. Juliette est excédée d’efforts, elle traîne derrière elle son ennui et ne s’aperçoit même pas que le bonheur est à ses pieds… Elle craindrait de se fatiguer en le ramassant. Ses amis, lassés de son indifférence, l’abandonnent à sa veulerie. Le mari déserte un foyer morne. Seuls, les enfants raniment la maison de leurs cris d’orfraie ; ils se battent, s’arrachent les cheveux et se détestent. Juliette est très malheureuse. Elle ignore le sens de la vie.

Et la bonne grosse Henriette, de quoi se plaint-elle ? Elle a bon mari, bons enfants, bonne table, bonne vie.

Oui, mais, justement, elle assomme son entourage par l’excès de perfections impudemment étalées. Pendant de longues heures, il faut subir le panégyrique de l’époux ; et puis des trois anges, intelligents, spirituels, bien faits ; et du chien, joli comme un « n’a mour » ; et des sauces de la cuisinière, onctueuses et liées ; et de l’organisation merveilleuse de son ministère, et de l’inimitable perfection de tout ce qui la touche.

C’est à grincer des dents. Aussi, au bout de peu de temps, les amis, en bon ordre,