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le sens de la vie.

leur plus tendre enfance, elles s’imaginent que le monde pivote autour du moindre de leurs caprices, et elles ne distinguent pas le minuscule rapport de leur personne au reste de l’univers.

…Au lieu que les événements et les choses présentent à leurs yeux un intérêt général, elles les rapetissent toujours à leur cas particulier, et l’importance qu’elles leur attribuent se mesure exactement au degré de sensibilité qu’ils éveillent en leur égoïsme. Le plus léger ennui personnel leur devient catastrophe, une douleur véritable qui passe au-dessus de leur tête sans l’atteindre leur semble puérile. Et, pour me servir des expressions de M. Pierre Baudin, « la vie est, pour elles, comme un miroir dont les moindres fragments reflètent leur image ».

Réfléchissez à ces paroles, cousine, et vous y trouverez l’explication de nombreux bonheurs gâchés. Les femmes malheureuses sont celles qui, marchant à contresens, ne peuvent aimer la destinée. Ce n’est pas la vie qu’elles regardent couler comme un torrent impétueux dont il faut suivre le cours, c’est la pauvre goutte d’eau quelles sont… La misère des âmes douloureuses les apitoie moins qu’un bobo effleurant le bout de leur nez : la peine d’un ami les laisse insensibles ; leurs larmes n’ont point de générosité, leurs sourires point de joie. Tout,