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la division des idées.

cieux dans le plaisir, tristes dans la gaieté, préoccupés dans le calme, malheureux dans le bonheur, ils ne savent pas opérer la division bienfaisante des idées, qui remet au point toute chose, ramenant les difficultés à leurs justes proportions.

Voulez-vous que j’étaye mon raisonnement d’un exemple ? Je connais une femme de mes amies, qui passe à travers les pires épreuves le sourire aux lèvres, la gaieté dans les yeux.

— Comment faites-vous ? lui demandai-je, un peu surprise de tant de sagesse.

— C’est très simple, me répondit-elle. Dès qu’un ennui est passé, je l’oublie ; il n’existe plus, il n’a jamais existé, et je ne songe pas davantage à celui que le lendemain me réserve. Ainsi, j’ai tout le loisir de jouir des instants heureux que la vie me donne.

— Mais, repris-je, où puisez-vous ce beau courage qu’on admire en vous, et qui vous laisse calme dans les plus grands tourments ?

Elle réfléchit un instant, puis se mit à rire :

— Cela vient, probablement, d’une infirmité de mon cerveau, qui fait que je ne puis suivre, vraiment, qu’une préoccupation à la fois. Quand je suis au chevet d’un malade gravement atteint, une idée, une seule, m’obsède : le guérir. Cela me dispense de sentir aucune autre misère :