Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
la femme.

délicate et rare, qu’on appelle le bonheur, s’épanouirait-elle sans qu’on prenne le soin de la cultiver ? Il y a des jours de pluie, d’orage et de soleil, dans toutes les existences ; et des saisons froides et des saisons chaudes, des aurores et des crépuscules. Pourquoi le bonheur serait-il le droit immuable que l’on cueille en naissant ? La grande erreur des êtres malheureux est, je crois, dans cette bizarre conception qu’ils se font de la vie. Ils regardent le bonheur de bas en haut, au lieu de le considérer de haut en bas, en sorte qu’ils ne l’aperçoivent même pas et le piétinent au passage.

Et, tandis que j’égrenais le chapelet de mes souhaits, je constatais que, pour la plupart, ils ne parviendraient pas à bon port.

Mme Une Telle pourrait-elle, une fois par hasard, se déclarer satisfaite ? Jamais, grands dieux !… Elle est persuadée que le monde n’est que trahison ; elle guette ses amis, tenant une riposte désobligeante toujours prête à leur adresse et a la manie de remettre vertement à leur place les gens les plus inoffensifs. Elle se rend, d’ailleurs, malheureuse à plaisir et sans raison, car, dans le fond, c’est une âme droite, vaillante, à qui il ne manque qu’un peu de bienveillance envers son prochain et d’indulgence envers la vie.