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la jeune fille.

supérieure de cœur et d’esprit, jolie par surcroît, qui accepta avec bonheur de partager sa vie, non pas que les bocaux eussent pour elle un attrait irrésistible ; mais l’admirable intelligence de son fiancé lui donnait foi dans l’avenir.

Au contact de cette femme remarquablement cultivée, le pharmacien devint ambitieux. Il travailla sans trêve, et, dans ce siècle de chimie, chercha du nouveau, et fit des découvertes qui révolutionnèrent le monde médical. De pharmacien, notre ami se haussa au rang de savant, et devint, dans son genre, une de nos gloires ; ce qui ne gâta rien, il fut, du même coup, millionnaire, et cette histoire prouvera peut-être à Mlle Juliette qu’il n’y a pas de sots métiers, comme dit le proverbe, mais seulement des linottes.

Le monde est plein de ces jeunes filles orgueilleuses qui, par une fausse conception de leur dignité, craignent d’entrer dans la vie au bras d’un homme intelligent ; elles pâlissent d’envie en voyant passer un officier avec lequel elles traîneront la misère — et dédaignent le hardi garçon qui fera son chemin. Ce n’est point un homme qu’elles épousent, mais une carrière. Ne vaut-il pas mieux aimer l’homme pour sa valeur propre ? C’est la moralité que je vous prie, cousine, de tirer de ce petit conte véridique.