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la jeune fille.

avec charme et se poser en tendres regards : des cheveux plats s’accommoder en bandeaux, doux au visage, — et, pour peu qu’une expression intelligente éclaire d’un vif éclat ces contrastes d’ombre et de lumière, ils deviennent harmonieux, et l’on est une jolie laide.

Car, retenez bien ceci, cousine : à moins que d’être dépourvu de toute qualité morale ou intellectuelle, il n’existe pas d’êtres absolument disgraciés. Tous possèdent quelque attrait mystérieux, — reflet inconscient de leur âme ou de leur esprit, — qu’ils ignorent eux-mêmes et que le vulgaire ne découvre pas du premier coup. Ces laides-là sont souvent l’occasion de ces grandes passions qui étonnent le monde, et sur le passage desquelles on murmure :

— Est-ce étrange, avec cette figure-là !

Ce n’est donc pas toujours la laideur en soi qui est fâcheuse, mais la crainte qu’elle vous inspire ; et il serait mille fois préférable de songer bravement à l’imposer plutôt qu’à la dissimuler.

Les jours où nous sommes tourmentées du désir de paraître belles, réfléchissons à ces choses, cousine, et répétons-nous qu’une jolie laide exerce infiniment plus de séductions qu’une beauté de contrebande.