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la jeune fille.

repos de ses vastes espaces qu’aucun bruit ne trouble. Les somptueux bateaux passent, silencieux, au large ; les barques frêles agitent leurs voiles pareilles à ces mouettes qui frôlent l’eau de leurs ailes rapides et fuient, légères ; l’air secoue de la poussière de soleil ou distille de l’écume de rosée ; tout respire la paix, la tranquillité, le silence, ces trois trésors dont Paris a perdu le secret et que les vacances seules, parfois, vous donnent encore.

Une promenade sur le Léman, avec un livre qu’on ne lit pas et des pensées qui s’éclairent à mesure que le charme de ce radieux paysage agit, voilà qui est souverain contre les défaillances scolaires.

J’imagine que toute vision de bonheur, dont le cœur garde un souvenir profond, doit être également bienfaisante. Elle remonte à la mémoire aux jours mauvais ; elle aide à passer les heures difficiles et, surtout, ranime le courage, par le sentiment qu’il faudra regagner ces joies, les mériter de nouveau et en sentir doublement le prix.

— Oui, disais-je à ce beau lac, nous sommes, au seuil du travail, de pauvres choses, ballottées à tous les vents ; nos voiles gisent en chiffon, au fond de nos barques ; elles ne sont plus que loques inutiles, bouts d’étoffe sans consistance ;