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la jeune fille.

et radieuse ; douceur d’une halte fraîche, après la galopade effrénée de l’hiver… L’idée de s’arracher à tant de voluptueuse nonchalance épouvante. On doute de son courage, on craint les nuages de l’horizon ; l’âme, délicieusement amollie, voudrait ignorer la lutte, jouir d’une paresseuse quiétude, se replier pour toujours dans un port discret, à l’abri des tempêtes, des soucis… L’ambition ne l’habite plus, le devoir même l’abandonne, et tout bas, anxieusement, l’on, songe :

— Serais-je devenue lâche ?… Les vacances ne me vaudraient-elles rien ?… M’enlèveraient-elles ce que je possède d’énergie ?

Et, repassant en sa tête toutes les obligations auxquelles, bon gré malgré, il faudra faire face, on leur trouve des airs sinistres d’épouvantail. D’avance, on frémit.

Et cela est risible et ridicule.

Oui, cousine, risible et ridicule, car, par un prodige surprenant, le collier de misère ne paraît lourd qu’accroché au clou ; dès que son poids repose sur les épaules fragiles auxquelles il est destiné, il s’allège et s’adapte de telle manière qu’on le devine taillé miraculeusement sur mesures… L’activité nécessaire à conduire une tâche, — quelle qu’elle soit, — la force nerveuse, le feu sacré, pour tout dire, sont autant