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la jeune fille.

Ma tête chavire. Peut-être ai-je mal au cœur, ou simplement la « frousse ». Je donnerais une fortune pour m’arrêter. Je songe, avec des larmes d’attendrissement, aux gens qui gravissent les chemins en flânant, le rire sur les lèvres, un bâton dans la main. J’envie les heureux mortels qui s’offrent le loisir de regarder, le luxe de s’arrêter où bon leur semble, le plaisir de causer, et qui conservent au fond de leurs yeux des visions de bonheur, des souvenirs d’heures trop vite passées, dont on aimerait arrêter le cours.

Je ne vous conterai point comment, de panne en panne, d’incidents en accidents, nous ne revînmes qu’à onze heures du soir, n’ayant rien vu que la poussière qui poudroie, l’horizon qui tournoie, et des pans de voilette qui se confondent avec le mont Blanc.

Mais je ne puis m’empêcher de remarquer que les jeux et les distractions qui « amusent », en l’an de grâce 1908, semblent avoir l’unique but du mouvement et de la vitesse.

On joue au tennis pour remuer les jambes, au diabolo pour secouer les bras ; on fait de l’auto pour marcher à cent à l’heure et surtout pour ne pas penser, pour ne pas parler, pour éviter le commerce charmant d’amitié, d’épanchement, de causerie, qui était la grâce de notre race.

N’est-ce pas un peu dommage, cousine ?