Tout d’un coup, une détonation effrayante, répétée par les échos, de la montagne, nous ébranle le cerveau. C’est le pneu d’arrière qui vient d’éclater.
— Ça, c’est une veine ! déclare le chauffeur, car, à la vitesse à laquelle nous marchions, si ç’avait été le pneu de devant, nous faisions sûrement panache.
Il n’est à « cette veine » qu’un malheur : c’est qu’au lieu d’éclater au pied du mont Blanc ou du château du Bayard, ou sur quelque chemin ombragé, ce diable de pneu se soit amusé à crever sur une route ensoleillée, inhospitalière et, par aventure, fort laide.
Le mécanicien s’active à plat ventre autour de la roue, tandis que nous rôtissons, stupéfaits de notre inactivité après une pareille course.
Nous demeurons silencieux, ne trouvant rien à nous dire.
Enfin, le malheur est réparé.
— Allons, mes amis, dépêchons, dépêchons. Il s’agit de rattraper le temps perdu !
Ainsi parle le chauffeur en claquant ses mains l’une contre l’autre.
Nous écrasons un canard, un chien, deux chiens : nous manquons de télescoper un autre auto conduit par un autre fou, et de buter contre une vache, qui s’élance bêtement d’un pré.