Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
vacances d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, on n’aime que l’automobile ; et comme, apparemment, tout le monde est devenu millionnaire, chacun a son auto.

Et ce sont des courses folles à travers la France et l’Europe. Les propriétaires des Trente-chevaux, des Quarante-chevaux, des Soixante-chevaux, sont atteints d’une maladie spéciale et bien connue : la fièvre kilométrique… Il faut, coûte que coûte, abattre du chemin. Frappés par le terrible mal, ils enfilent des villages et des hameaux, entrent dans les villes en coup de vent, les quittent en trombe sans avoir rien vu, soulevant derrière eux des tourbillons de poussière… Ils sèment la terreur sur leur passage, écrasent sans vergogne les chiens et les poulets, avalent les côtes à toute allure, les redescendent dans un vertige de montagne russe… De temps en temps, — ô bonheur ! — ils rencontrent un train express avec lequel ils luttent de vitesse.

— Nous le dépassons ! rugit une voix qui sort d’une visière…

La Soixante-chevaux saute, zigzague, cahote ; les arbres tournoient, la sirène déchire l’air de sa plainte affolante, la tête bourdonne, les nerfs sont tordus ; il semble qu’on court à l’abîme, à la mort, à je ne sais quelle fatalité sinistre. C’est ce qu’en langage automobilesque on appelle « s’amuser ». Et quand, enfin, la diabo-