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viii
préface.

modestes, si candides, si ingénus, et qui, dans ce temps, me semblaient orgueilleux et beaux ! Je rêvais… Que ne rêve-t-on pas à seize ans, quand on doit gagner sa vie et qu’on veut mériter tous les bonheurs ? C’est l’âge où l’on ramasse avec allégresse des miettes de plaisir, en les prenant pour des joies immenses. C’est l’âge où l’on reste toute une nuit éveillée parce que votre première élève fut contente de sa première leçon et que vous découvrez un paradis peuplé de petites virtuoses et des horizons d’indépendance et de fortune. C’est l’âge où vous pleuriez d’amour en songeant :

— M’aimera-t-il jamais comme je l’aime et me le dira-t-il un jour ?…

C’est l’âge, enfin, exquis et puéril, où l’on compte comme une faveur la promenade avec des amies dans un mauvais fiacre, où l’on croit que le comble de la fortune est de vivre avec dix mille francs par an.

Or, cousine, ces rentes royales qui représentèrent le summum de vos ambitions tant que vous ne les eûtes pas, dès qu’elles