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MŒURS FIN DE SIÈCLE

— Il est très distingué, ce jeune homme, mais il louche quand il regarde sa mère !

Et Mauri était devenu rêveur. Appuyé dans un coin de salon, il songeait à la stupidité humaine, à la loi universelle de l’hypocrisie. Tous les invités du duc de la Croix de Berny avaient l’air contents d’eux-mêmes ; cela n’était pas vrai. L’homme véritablement heureux est celui à qui l’on a vidé le cerveau, coupé les jambes, les mains, les oreilles, arraché les yeux, et défoncé le palais. Il ne sent plus, il ne pense plus, il s’animalise, il est hors du monde. Que l’on choisisse une bête humaine, n’importe laquelle ; en la tâtant, on est certain d’y remarquer au moins une tare, et cette tare est l’exhalaison, le produit, le ferment d’une décomposition de la conscience. Le sourire est toujours hideux, parce qu’il est le masque d’une tare. Mauri souffrait, il ressentait des coups de marteau dans la tête, et la proximité de ses semblables le mettait mal à l’aise ; il