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LE TUTU


nés. Si l’homme pouvait un jour ignorer qui il est ! Oh, l’oubli ! Oh, le souvenir !

Elle relevait ses jupes, indécemment.

— Je brûle. Je voudrais errer dans des mers de glace. J’ai quelque chose qui me travaille dans la tête. Je vois voler des éléphants ; je vois ramper des soleils, je vois s’illuminer des ténèbres. Oh, si l’on pouvait vivre de vie et mourir de mort ! Holà ! les chevaliers errants de l’Oubli ! À quatre pattes, je vois valser une sangsue dont les cheveux flottent au vent ; avec sa mâchoire d’acier, elle broie des liquides et elle boit des étoiles… Je crois que je cesse d’être folle ! Deviens-je sage ?

Elle crachait du sang, et ses yeux en étaient injectés. Elle avait la figure pâle des vierges, et comme un spectre, son grand corps se profilait sur la poussière infinie du chemin.

— Je vois s’illuminer des ténèbres. N’entends-tu rien ? Ne perçois-tu point un bruit fantastique, qui te fait mal ? C’est la désagré-