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LE TUTU

Un soleil de plomb leur tombait sur la tête ; l’air bouillait, tellement il faisait chaud ; les galets, en raison de leur forme sphérique, réfractaient cette chaleur, de telle sorte que l’on cuisait dans son jus, de quelque côté qu’on se tournât ; on cuisait sur le ventre, on cuisait sur le dos, on cuisait sur le côté. La mer elle-même transpirait, elle avait la flemme, ses flots remuaient très nonchalamment, malgré eux, comme si on leur avait flanqué des coups de pieds au cul, pour les stimuler. Et à part le grincement des cailloux sous les pas d’un chien ou d’un chat, un calme profond, pur comme l’âme du nouveau-né, enveloppait la terre et l’océan. Des baigneurs arrivaient peu à peu, l’air abattu, résigné. Et ils se couchaient aussi sur les cailloux, le groin tourné du côté des vagues, afin de renifler un peu d’air qui n’arrivait pas. La mer était plate désespérément, opalisée, chatoyante, mais si incolore à l’horizon, qu’elle se perdait dans le