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MŒURS FIN DE SIÈCLE


plat favori : un plat de cervelle en putréfaction d’un sujet disséqué à l’amphithéâtre de l’École de Médecine ; ils étendaient un peu de cette cervelle sur du pain, et mangeaient tout le plat. Ils arrosaient ce repas d’une excellente bouteille de crachats d’asthmatiques cachetée, recueillis dans les hôpitaux. Ensuite, ils se délectaient de la lecture des Chants de Maldoror ; le côté maboulique de l’œuvre, mélange de folie géniale ou génie fou, leur servait de diapason. Mauri lisait, d’une voix d’outre-tombe, invariablement les strophes suivantes, dont ils n’étaient jamais rassasiés : « C’était une journée de printemps. Les oiseaux répandaient leurs cantiques en gazouillements, et les humains, rendus à leurs différents devoirs, se baignaient dans la sainteté de la fatigue. Tout travaillait à sa destinée : les arbres, les planètes, les squales. Tout, excepté le Créateur ! Il était étendu sur la route, les habits déchirés. Sa